Résumé
Ils ne se sont rencontrés publiquement que sur les écrans de cinéma, dans le film qu'Abel Gance a consacré en 1927 à Napoléon.Le cinéaste a situé la naissance de la Marseillaise au club des Cordeliers, à la fin du mois de juillet 1792. A la demande de Danton, Rouget de L'Isle y fait chanter son hymne à un public en pleine ébullition depuis qu'est connu le manifeste du duc de Brunswick menaçant de détruire Paris si l'on touche à un cheveu de Louis XVI. L'enthousiasme est général. La Marseillaise n'est-elle pas la plus belle des répliques à l'insolence du général en chef des forces prussiennes qui marchent sur Paris ?Discrètement, Rouget de L'Isle s'éclipse. Le cinéma découvre, le long d'une colonnade, un jeune homme à l'étrange chapeau, vu de dos, la chanson à la main. Quand Rouget de L'Isle passe devant lui, il l'arrête et lui dit : <<Merci pour la France, Monsieur. Votre hymne remplacera des milliers de canons.>> Surpris, Rouget de L'Isle l'interroge : <<Merci, lieutenant. Dites-moi votre nom, pour que je me souvienne de votre prédiction.>> Et la réponse fuse : <<Napoléon Bonaparte.>> Un silence, puis les deux hommes se serrent la main. Bien sûr, la scène a été inventée par Abel Gance. Mais la rencontre de ces deux officiers dont le destin se confondit avec celui de la France n'a pas fini de faire rêver.En réalité, Napoléon et Rouget de L'Isle se détestaient. Leur origine sociale aurait dû les rapprocher, les événements les séparèrent. Quand Rouget de L'Isle est patriote et écrit la Marseillaise, Bonaparte ne s'intéresse qu'à la Corse. Lorsque Rouget de L'Isle, en conflit avec Carnot, est arrêté pour sympathies royalistes, Bonaparte qui s'est illustré à Toulon, est nommé général par les Montagnards. Rouget de L'Isle sort de prison après Thermidor au moment où Bonaparte est inquiété pour ses opinions robespierristes. Barras les réunit le 13 vendémiaire pour défendre la Convention, mais ils s'ignorent. Quand Bonaparte est en Italie, Rouget de L'Isle fréquente Joséphine. Le général eut-il des soupçons ?Devenu Premier consul puis empereur, harcelé de lettres de Rouget de L'Isle critiquant sa dictature, Napoléon n'aura qu'un souci : faire oublier la Marseillaise. Dans les parades et les cérémonies, on jouera Veillons au salut de l'Empire, la Marche consulaire et même le Chant du départ, jamais l'hymne de Rouget de L'Isle. Celui-ci se vengera en se ralliant avec éclat à Louis XVIII.Comble de l'ironie : Napoléon et Rouget de L'Isle reposent aujourd'hui tous les deux aux Invalides.
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